e Nord de la région de Nijni-Novgorod est une contrée
bien spacieuse: la rive gauche basse du fleuve est couverte
d'un somptueux tapis vert que forment les prairies inondables
par les crues du printemps et plus loin, derrière
celles-ci, s'étendent à perte de vue de puissants
massifs forestiers.C'est le pays transvolgien de Nijni-Novgorod
- contrée légendaire qui avait joué
un rôle particulier dans l'histoire de la Russie et
qui en garde le souvenir: c'est là qu'il a plus de
sept siècles passait «le sentier de Batyï»
et jusqu'à nos jours clapotent les eaux claires du
lac de Svétloïar, qui selon la légende,
aurait caché l'ancienne ville de Kitej qui ne s'était
pas soumise au khan des tatares. Le pays d'outre-Volga dans
la région de Nijni-Novgorod est une vraie trésorerie
de folklore et d'arts populaires. Parmi les autres régions
de la Russie cette contrée n'a pas son égale
en ce qui concerne le nombre et l'originalité des
artisanats et des métiers d'art qui se sont apparus
et développés sur son territoire. Aucun autre
art folklorique de la région de Nijni-Novgorod n'a
semble-t-il acquis une si large popularité
en Russie et à l'étranger comme l'a fait la
peinture sur bois de Khokhloma.
Maître iconnu. Tabouret-tonnelet
Années 1880
|
L'art artisanal
de Khokhloma s'est fait remarquer déjà au
XVIII-ème siècle. Ainsi, le géographe
Evdokime Ziablovski, qui avait visité le province
de Nijni-Novgorod dans les années 1790, notait que
les paysans transvolgiens se plaignaient d'un manque de
terres arables et tout en énumérant les métiers
des habitants liés au traitement du bois il écrivait:
«Par contre, les forêts locales représentent
une autre branche de la subsistance populaire. Vu leur grande
quantité, certains habitants s'exercent au tournage
et au laquage de divers tasses, plats, écuelles,
cannes et des choses pareilles», qu'ils «décorent
d'ornements qui semblent être en or» et «couvrent
partout de fleurs». Et de conclure: «Leur marchandise
est légère, pure, solide, et la laque jaune
aussi bien que celle noire qu'ils préparent sur la
base de l'huile de lin, est assez solide et claire».La
plupart des spécialistes en arts folkloriques datent
l'apparition de la peinture sur bois de Khokhloma du XVII-ème
siècle. Pour la contrée Nord de la région
de Nijni-Novgorod ce fut le temps de renaissance après
les pillages faits par les Tatares.
A.Kouznétsova
Puissoire-poule. 1930
|
Ce n'est
pas par hasard que les ornements de la peinture de Khokhloma
évoquent les herbes touffues peintes en vermillon
sur les vignettes dorées des livres manuscrits ou
bien les cadres pittoresques des icônes hagiographiques
du bassin de la Volga - avec feuilles frisées dorées,
rinceaux souples grimpants sur le fond vermeil ou noir,
et la combinaison des couleurs rouge, noir et or propre
à la peinture décorative de cette région
avaient déterminé les traits particuliers
du coloris de la peinture. Il est à noter que l'utilisation
de ces trois couleurs tant pour la décoration des
objets de culte que pour l'ornementation des icônes
avait un sens profond: le rouge était identifié
avec la beauté, l'or symbolisait la lumière
spirituelle, et le noir était le symbole de l'affliction
bienheureuse, purifiant l'âme humaine. Le médecin
de la cour G. Reman, qui en 1805 avait visité cette
région a fait une description remarquable des objets
de Khokhloma. Sur le champ de foire pittoresque ou les boutiques
et les galeries innombrables étalaient les marchandises
de toute sorte, il a vu au bord de la Volga une longue file
de chariots chargés des objets eu bois unique dans
son genre. Appréciant ces articles comme «véritables
modèles de l'art de façonnage au tour»,
Reman fut surpris par leur solidité: malgré
le temps torride et la chaleur du sable chauffé par
le soleil où ils ont été posés,
le bois sec des calices énormes ne se fendait pas.
V.Tsvetkova. Vase "Abondance". 2001
|
L'ornement d'herbes qui constituait le plus beau fleuron
de l'héritage artistique de Khokhloma a rempli la
peinture paysanne d'un sens vivant de la nature. En même
temps, les images utilisées dans les ornements d'herbes
sont folkloriques. Les touches savoureuses représentant
les brins d'herbe, les rejaillissements des flammes du vermillon,
les lignes élégantes du dessin exprimaient
le rêve du beau que nourrissait un peintre villageois,
son désir de transformer un modeste brin en plante
extraordinaire, qui ondule en volutes fantasques. Les mêmes
choses sont exprimées dans les chants nuptiaux où
«grimpe en vrille un puissant houblon d'or»,
sur la voie qui mène le fiancé vers sa promise
poussent des fleurs et s'incline «l'herbe soyeuse».
D'après leur système poétique et leur
rythmique les ornements d'herbes sont proches du chant populaire
où les émotions lyriques sont souvent exprimées
à travers les images de la nature.Quand on se trouve
au bassin de la rivière d'Ouzola dans la région
de Kovernino, on ne cesse pas d'admirer les champs et les
forêts qui s'étendent à perte de vue,
les villages qui se sont nichés sur les pentes des
collines, les coudes gracieuses de la rivière d'Ouzola,
les prairies et les bosquets d'arbres situés aux
bords de celle-ci. Dans le silence du soir on peut entendre
retentir sur la rivière une ancienne chanson que
les femmes d'ici chantent «à plusieurs voix».
On pourrait dire que les ornements de Khokhloma ressemblent
aux chansons populaires affectueuses, et l'équipe
de créateurs représente une sorte d'ensemble
des solistes où la voix de chacun est reconnaissable
et unique

E.Zaitseva "Princesse-Sygne"
(d'après du conte en vers "Conte du tsar Saltan" de A.Pouchkin)
Puisoire.1999
|
|