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Conte de coq d'or



I.Stoulov. "Tsar Dadon et mage"

I.Stoulov. "Tsar Dadon et mage"
La sculpture en bois . 1944  Bogorodskoe











N.Maximov. "Tsar Dadon et mage"

N.Maximov. "Tsar Dadon et mage"
La sculpture en bois . 1950  Bogorodskoe










T.Bespalova-Mikhaleva. "Coq d'or"

T.Bespalova-Mikhaleva. "Coq d'or"
Sculpture de porcelaine. 1981   Leningrad











N.Babourin. "Conte du coq d'or"

N.Babourin. "Conte du coq d'or"
Baguier. 1958   Kholouï











V.Chvétsova.Puisoir-coq
V.Chvétsova.
Puisoir-coq. 2001.   Khokhloma











N.Lopatine "Conte du coq d'or"

N.Lopatine "Conte du coq d'or"
Baguier. 1999  Palekh











G.Kotchétov. "Conte du coq d'or"

T.Kotchétov. "Conte du coq d'or"
Plaque. 1997  Palekh




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Quelque part dans un empire
Plus lointain qu'on ne peut dire
Vivait le grand roi Dadon,
Qui dès l'enfance eut le don
D'infliger par son courage
A ses voisins force outrages.
Or ce roi, quand il vieillit,
Voulant loin des chamaillis
Connaître des jours paisibles,
A son tour devint la cible
De ses voisins qui dès lors
Lui causaient beaucoup de tort.
Pour garder son héritage
De leurs coups, de leurs dommages,
II avait évidemment
Quantité de régiments.
Mais hélas, ses chefs de guerre
Avaient beau ne chômer guère,
S'ils tenaient le Sud, et pan !
L'attaque était au levant.
Y couraient-ils, c'est la côte
Qu'abordaient ces tristes hôtes.
Notre roi, toujours en pleurs,
N'en dormait plus de douleur.
Vous parlez d'une existence!
Il fit mander l'assistance
D'un sage, un mage, un castrat,
Qu'un émissaire assura
Ce faisant de ses hommages.
Devant Dadon le dit mage
Bientôt se présente et sort
De son sac un coq en or.
"Mets - lui fait-il - ce fidèle
Oiseau sur ta citadelle:
II te manque un bon gardien;
Mon coq d'or sera le tien.
Si rien ne paraît d'hostile
II se tiendra fort tranquille;
Mais s'il voit que d'un côté
Un conflit peut éclater,
S'il s'apprête une offensive,
Si quelque malheur arrive,
La crête haute à l'instant
Mon petit coq s'agitant
Criera tourné vers la place
D'où le danger te menace".
Le roi, qui n'est pas ingrat,
Promet tout l'or qu'on voudra:
"Pour l'appui que tu m'apportes
-Fait-il tant sa joie est forte -
Dis-moi ce qui te convient,
Et ton voeu sera le mien".
Le coq sur sa flèche altière
Fut promu garde-frontière.
Un danger se montrait-il,
Aussitôt vers ce péril
Le voilà qui se démène,
Se dépense et se déchaîne:
"Cocorico ! Règne et dors ! "
S'époumonait le coq d'or.
Et les voisins d'en rabattre,
N'osant même plus combattre,
Tellement le roi Dadon
Les mouchait sur tous les fronts.
Un an, deux ans: rien d'hostile ;
Notre coq se tient tranquille,
Lorsqu'un grand charivari
Tire un jour le roi du lit.
"Sire, c'est épouvantable !
Le secoue un connétable –
Levez-vous ! Sire ! Un malheur !
Le roi, bâillant: "Mes seigneurs-
Dit-il - Quoi? Quelle infortune
Fait encore qu'on m'importune?"
"C'est le coq, Sire le Roi,
Dont les cris sèment l'effroi."
A ce discours de son reître,
Le roi court à la fenêtre :
Le coq en s'égosillant
Lui désigne l'Orient.
Dadon sans retard appelle
Son fils aîné: "Vite! En selle!"
Il lui donne un régiment
Pour aller vers le Levant...
Et tout redevient tranquille,
Le roi, le coq et la ville.
Cependant, passé huit jours,
Le monarque attend toujours:
Le prince avec la piétaille
Ont-ils bien livré bataille?
Le coq s'égosille encor:
Sans doute, il faut du renfort?
Dadon fait partir en guerre
A son tour le jeune frère.
L'oiseau s'apaise, mais rien
Des deux princes ne parvient.
Huit jours encore: à l'attente
Se joint partout l'épouvante.
Le coq refait son chambard:
Le roi lève à tout hasard
Un régiment, le troisième,
Qu'il conduit au front lui-même.
De nuit, de jour, on alla;
Tout le monde était fort las.
Point de camp, rien de la guerre,
Aucun tertre funéraire.
"Quel sortilège est-ce donc?"
Se disait du roi Dadon.
Après huit jours de campagne.
Il parvient dans la montagne;
Dans une gorge est dressé
Un pavillon damassé.
Mais quel silence ! O surprise !
Dans l'étroite gorge gisent
Massacrés ses bataillons.
Il court près du pavillon:
Là, sans cuirasse et sans heaume,
Les héritiers du royaume
- Horreur! - gisent morts tous deux;
Le glaive de chacun d'eux
De l'autre a tranché la vie.
Seuls restent dans la prairie,
Dans le pré foulé, sanglant,
Leurs chevaux caracolants.
"Mes fils ! - gémit le pauvre homme
Infortunés que nous sommes!
Dans quels rets tombâtes-vous?
Mes aiglons ! Malheur à nous ! "
Le roi gémissant, l'armée
De gémir ; monts et vallées
Répètent leur plainte...Alors,
Sans bruit, du pavillon sort
Une beauté sans égale,
La reine de Sharagale, -
Tel s'en viendrait au devant
Du roi le soleil levant.
Lui, comme l'oiseau nocturne,
Que l'aube rend taciturne,
En oublie en la voyant
La mort de ses deux enfants.
Révérence de la reine
Qui lui sourit, qui l'entraîne,
Et voilà le roi Dadon
Assis dans le pavillon.
La reine mit sur la table
Les mets les plus délectables
La reine le fit coucher
Dans un grand lit tout broché ;
Les huit jours de la semaine,
Tout au pouvoir de la reine,
Enchanté, ravi, béat,
Le roi Dadon festoya.
Quand enfin, suivi de toute
Son armée, il prend la route,
Bien sûr, la jeune beauté,
Est assise à son côté.
Déjà les bavards répandent
Et l'histoire et la légende;
Tout le peuple sans retard
De sortir sous les remparts.
On les acclame, on escorte
Leur carrosse vers la porte;
Dadon fait bonjour aux gens...
Or, enturbanné de blanc,
Les cheveux plus blancs que neige,
Apparaft dans le cortège
Son vieil ami le castrat.
"Hé ! Salut ! Comment ça va ?
Approchez-vous donc, mon père! –
Dit le roi - Que puis-je faire ?"
"O Roi - répond le savant –
Soyons quittes maintenant.
Autrefois, pour mon salaire,
Tu m'as fait, comme à ton frère,
Le serment, s'il t'en souvient,
Que mon voeu serait le tien.
Donne-moi la sans égale,
La reine de Sharagale."
Le monarque interloqué:
"C'est dit-il - pour te moquer?
Serais-tu déraisonnable ?
Es-tu possédé du diable?
Quelle idée assurément!
Sans doute ai-je fait serment,
Cependant tu exagères:
Une femme ! Et pourquoi faire ?
Non, vraiment c'est un peu fort !
Si tu veux, prends... le trésor,
Le titre de connétable,
Un cheval de mon étable,
La moitié de mes états..."
"Je ne veux rien de cela.
Donne-moi la sans égale,
La reine de Sharagale".
Le roi, crachant de courroux :
"Non - répond-il - rien du tout!
Ton impudence est extrême!
C'est là te narguer toi-même !
Avant qu'il ne soit trop tard,
Qu'on emmène ce vieillard!"
En vain le vieux se récrie.
Imprudente plaidoirie !
Le roi de son sceptre l'a
Frappé sur le front, voilà
Qu'il tombe mort; tous frissonnent...
Sans craindre rien ni personne,
La reine alors de pouffer,
De rire et de s'esclaffer.
Le roi dans son trouble extrême,
Galant, lui sourit quand même.
Mais passé l'enceinte, ploc!
Quittant son perchoir, le coq
Au nez de toute la ville
Prend son vol et fonce pile
Sur le carrosse, tout droit
Sur le crâne nu du roi.
L'y voilà, crête en bataille:
D'un coup de bec il l'entaille,
File... Et s'affaissant alors,
Le roi geint - le voilà mort.
Comme d'un songe fugace,
De la reine aucune trace...
Mensonges ! Mais prenez-en
De la graine, braves gens !

1834

Traduit par Jean-Luc Moreau