Version anglais
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Dans les régions
les plus septentrionales de la Russie, des lacs de Carélie
jusqu'aux rives de la Mer Blanche, les bardes existaient encore
au début du XXe siècle. Ils s'installaient devant
les villageois pour de longues soirées et, en s'accompagnant
d'un instrument à cordes pincées, les gousslis,
ils déclamaient des chants épiques qui s'étaient
transmis oralement depuis près de mille ans, les bylines.
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V.Smirnov "Trois preux"
Baguier. 1987 Palekh
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Des ethnologues ont collecté
les textes de ces chants, on dispose même de quelques
enregistrements sur cire, mais la vieille culture orale n'a
pas résisté au contact d'une nouvelle ère
historique, et, déjà très menacée,
elle est allée vers son extinction. L'une après
l'autre, les voix des derniers bardes se sont tues.
Les bylines(«byline»
veut dire un fait vrai) sont des moments mélodiques
en même temps que des histoires, et c'est pourquoi
elles ne se sont jamais confondues, au fil des siècles,
avec les contes, qui étaient dits dans d'autres
contextes et d'une autre manière. Elles prennent
leur inspiration au cœur du moyen âge russe,
dans une mémoire collective souvent antérieure
à la fondation de Moscou ; la majeure partie
des textes qui nous sont parvenus renvoient à
une époque où la capitale russe était
encore Kiev.
On y voit apparaître,
à la cour mythique du Prince de Kiev, une série
de héros qui combinent à la fois leur
fierté de guerriers épiques et leurs
origines plébéiennes, paysannes. Ce
sont des figures créées par des poètes
populaires, et tous les enfants russes les connaissent
parfaitement: Ilia Mouromietz, Sviatogor, Aliocha
Popovitch, Dobrynia, Sadko.
Chacun possède un caractère
qui le distingue des autres : Sviatogor est doté
d'une force trop grande dont il ne sait que faire,
Aliocha Popovitch compense son infériorité
physique par l'astuce, Sadko le riche marchand triomphe
de l'adversité grâce à la musique,
etc. Tous mettent leurs talents au service de la terre
russe et de leur propre indépendance, sans
aucune servilité envers le pouvoir des princes.
Ils traversent des aventures imprégnées
de merveilleux, sous le ciel infini ils combattent
les Tatars ou des êtres indescriptibles comme
le Rossignol Brigand, ils chevauchent des bêtes
magiques, ils galopent dans des forêts obscures,
à travers des plaines interminables, ils rencontrent
de sublimes princesses au fond des mers, ils coupent
les têtes des dragons; et ici, les images fortes
que tous les peuples partagent plus ou moins dans
leur folklore ont une couleur très originale,
peut-être parce qu'elles sont marquées
par des steppes monotones et par une géographie
où les distances sont gigantesques.
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Elli Kronauer
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© 2004 Artrusse
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ui nous parlera du vieux temps,
Du vieux temps, du temps passé...
Le vieux a chevauché en rase campagne
Et depuis sa jeunesse à sa vieillesse
Et depuis sa vieillesse à la planche du tombeau Le
vieux n'a pas rencontre pareil prodige :
Le vieux rencontre trois chemines,
Trois larges chemins en carrefours
Et à ces chemins, à ces routes,
Se dresse une colonne de chêne,
Et sur cette colonne un inscription porte:
Passer par le premier chemin, c'est être tué,
Passer par le second, c'est être marié,
Passer par le troisieme, c'est devenir riche
«Que fait à un vieux comme moi d'être marié?
Une jeune femme, c'est tout profit pour autrui,
Que fait à un vieux comme moi d'être riche?
Ce qu'il me faut, c'est être tué.»
Et le vieux s'en alla par ce chemin...
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la fameuse barriere de Moscou
Il avait douze bogatyres sans un de plus.
Par la fameuse barriere de Moscou
Personne à pied ne pouvait passer,
Sur son bon cheval personne ne pouvait la franchir,
Par là la bête grise ne trottait pas,
Le noir corbeau ne volait pas,
Passe à cheval une hardie cavalière,
Son cheval sous elle comme une forte montagne,
La cavalière à cheval ast comme un tas de foin ;
Elle a sur la tête un bonnet poilu,
Un bonnet poilu garni d'une voile :
Par devant in ne voit pas son visage vermeil
Ni par derrier son cou blanc.
Elle passe, la chienne, s'esclaffe,
Ne dit pas «Dieu vous aide» aux bogatyrs ;
Elle s'en alla en rase campagne,
Se mit à siffler comme un rossignol,
Se mit à crier à pleine voix ;
Un adversaire pour lutter contre elle...
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