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L'art populaire de la Russie


Pouchkine

         «Peut-être mourrai-je demain? Il ne restera sur la terre aucun être qui m'ait compris parfaitement. Les uns m'estiment pire, les autres meilleur que je ne suis en réalité. Les derniers diront : c'était un brave garçon ; les premiers : un mauvais garnement. Les uns et les autres se tromperont...»
  M.Lermontov "Un héros de notre temps"



   "Nicolas Martynov a tué en duel cette canaille de Lermontov. Je plains la famille Martynov..."

A.Kikine, lettre à M.Babine

   "Jamais je ne n'oublierai l'expression calme et presque joiyeuse du visage de Lermontov devant le canone du pistolet braqué sur lui..."

Le prince A. Vassiltchikov

   "II ennuyait tout le monde à Piatigorsk.. C'était un chercheur de querelles.. Un poète, dites-vous? Et puis après? En voilà une dignité ! Vous pensez qu'il a été pleuré? Nullement! Personne ne l'a pleuré. Tous étaient ravis!...Vous croyez qu'il était agréable de supporter ses railleries et ses caricatures ?.. Je l'ai vu quand on l'a transporté, en voiture, sous mes fenêtres. La voiture était courte. Les pieds pendaient devant. La tête ballottait derrière. Personne n'éprouvait la moindre compassion pour lui."

Le prêtre Erastov

    "C'est une perte énorme pour notre littérature... Coup double. Pas un raté. Quelle tristesse !..."

Le prince P. Viasemsky



I.Vakourov. "Lermontov"

I.Vakourov. "Lermontov"
Panneau. 1944.  Palekh


      Pouchkine est mort en duel à 38 ans, en 1837; quatre ans plus tard, Lermontov est mort en duel à 27 ans... Etranges destinées! Et qui ne sont pas sans rapport entre elles: à la suite de son poème consacré à la mort de Pouchkine, Lermontov, jeune officier de la Garde fut muté dans un régiment de ligne qui faisait la guerre au Caucase. Quand il fut tué en duel lors de son deuxièm exil au Caucase, impereur Nikolas 1er aurait exprimé sa satisfaction et les amis et les connaisances du poète en disgrâce se hâtèrent de détruire les lettres qu'il leur avait adressées. Pendent des années le silens entoura la personne du célèbre poète...

    Il grandit en province, dans un riche domaine, choyé, gâté, mais seul: il devint rêveur. Il perdit sa mère à l'âge de trois ans. Sa grand-mère le disputa à son père et se l'appropria. Comme tous les enfants nobles dans la Russie de cette époque il eut des précepteurs étrangers: le Français Cabet, survivant de la Grande Armée, lui parlait de Napoléon, «l'Homme du destin», l'Anglais Wiston lui parlait de Byron. Il passa par la «Pension Noble» où l'on développa ses dons artistiques: poésie, musique, dessin. Quand il entra, à seize ans, à l'Université de Moscou, il avait tout lu. Il dominait les autres et les tenait à l'écart: il n'eut pas d'amis.

    Lermontov atteignit la renommée littéraire en 1837, un poème dans lequel il eut l'audace de transgresser l'officielle conspiration du silence autour de la mort de Pouchkine, tué en duel par la balle d'Edmond d'Anthès. Ce poème, la "Mort du poète", devint très rapidement connu des lecteurs russes et des autorités. L'empereur Nikolas 1er se rangea à son avis et se disposa même a déclarer le poète fou.. Puis, renonçant à cette intention, l'empereur ordonna de transférer Lermontov en service actif dans le Caucase, où, depuis vingt ans déjà, faisait rage une guerre sanglante et meurtrière contre les peuplades montagnardes. Personne encore n'était entré ainsi dans la littérature russe, doublement auréolé du prestige d'héritier poétique de Pouchkine et de celui de criminel politique : la cornette hussarde, peu connue à Saint-Pétersbourg, devint alors instantanérnen «connue de tous».

    La possibilité de voir, d'entendre et de parler avec les décembristes - pour lesquels Nicolas 1er avait remplacé le bagne, à titre de grâce, par le service militaire dans une armée en campagne au Caucase - fut pour le poète un véritable cadeau du destin. Sa rencontre et sa relation avec les décembristes permirent à Lermontov d'évaluer sa propre génération et de la comparer à celle des décembristes. Au Caucase, il rencontra des hommes prêts à se sacrifier au nom du bien de la nation, qui ne se laissaient pas guider par l'égoïsme d'un individu, mais par la notion du devoir moral. Dans les années 1838-1839, la double renommée de poète talentueux et d'ancien exilé du Caucase fit de Lermontov une figure éminente du Saint-Pétersbourg aristocratique. Or, Lermontov se rendit à nouveau coupable d'une faute envers les autorités. Le 18 février 1840, il se battit en duel avec Ernest Barante, le fils de l'ambassadeur de France à Saint-Pétersbourg. Les adversaires échangèrent des coups d'épée, puis Lermontov tira en l'air. Si les véritables raisons de ce duel ne sont pas claires, dans la société de la capitale, beaucoup considéraient que le poète russe avait défendu l'honneur de la nation. Ernest Barante fut contraint de quitter Saint-Pétersbourg, où il avait commencé avec succès une carrière diplomatique. Quant à Lermontov, Nicolas Ier donna l'ordre de le transférer dans une armée en campagne au Caucase. Il quitta Saint-Pétersbourg début mai, au moment où la parution de son roman "Un héros de notre temps" était annoncée dans les journaux.

    Au Caucase, Lermontov se distingua lors d'opérations militaires contre les montagnards et participa aux batailles les plus sanglantes de 1840. Son supérieur direct sollicita son retour dans la garde, ce qui, en fait, équivalait à demander sa grâce. En 1841, le tsar ne lui accorda qu'un congé de deux mois. Lorsque celui-ci prit fin, le tsar refusa de confirmer les décorations qui avaient été proposées pour Lermontov au Caucase, et le général Kleinmichel exigea son retour immédiat au Caucase. Le 14 avril 1841, le cœur serré et empli d'un pressentiment de mort, Lermontov quitta Saint-Pétersbourg. Il ne lui restait que trois mois à vivre. Il fut tué en duel par Nikolaï Martynov, le 15 juillet 1841.

    La popularité grandissante de Lermontov ne faisait qu'irriter Nicolas 1er. Lorsque la nouvelle de la mort du poète arriva à Saint-Pétersbourg, Nicolas déclara dans son cercle familial: «A un chien une mort de chien.» II s'exprima de manière différente en public mais, après la mort de Lermontov, il fut secrètement strictement interdit de faire mention de son dernier duel et des persécutions auxquelles il avait été soumis pendant toutes les années durant les lesquelles son talent s'était affirmé dans la littérature. Et longtemps encore après la mort du tsar persécuteur, il fut interdit d'écrire i vérité sur le destin de Lermontov. C'est pourquoi ceux qui connaissaient bien l'écrivain et toutes les circonstances de sa vie n'écrivirenl rien à son sujet. Seuls les souvenirs de ses rencontres fortuites avec des personnes très éloignées de lui nous sont parvenus. Volontairement ou involontairement, ils altéraient sor image et donnaient une interprétation erronée de ses idées et de ses actes. Il falut quelques bonnes dizaines d'années avant que, vers la fin du XIX-e siècle, la société russe commence à saisir la véritable dimension de la personnalité du poète.







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Littérature russe /

M. Lermontov



  Le Démon
  Le chant du marchant Kalachnikov




I.Vakourov. "Lermontov"

I.Vakourov. "Lermontov"
Panneau (detail). 1944.  Palekh





Ce voilier tout blanc, soliter,
Qui dans le brouillard bleu s'enfuit
Qu a-t-il besoin d'une autre terre?
Qu'abandonna-t-il après lui?

Son mât sur l'onde vagabonde
S'incline et grince dans le vent
Hélas! point de bonheur au monde
Ni derrière lui ni devant

Pour le porter la mer est belle
Le soleil brille au firmament...
Mais lui réclame, le rebelle,
L'orage, cet apaisement.

1832

M.Lermontov " Le voilier"  





A.Kochupalov "Le Démon"

A.Kochupalov "Le Démon"
Baguier. 1972   Palekh




Un sombre Esprit, un exilé
Sur notre terre pécheresse
Planait, quand l'essaim désolé
Des souvenirs soudain se presse
Devant le voyageur ailé.
Il revoit les jours d'allégresse
Où, Chérubin resplendissant,
La comète ardente, en passant,
De sa crinière lumineuse
L'effleurait en le caressant ;
Les temps où, dans la nuit brumeuse
De l'éternelle immensité,
Du désir de savoir hanté,
Avide, il suivait à la trace
Les caravanes de l'espace...

1829

M.Lermontov " Le Démon"  




D.Molodkine "Le marchand Kalachnikov"

D.Molodkine "Le marchand Kalachnikov"
Baguier. 1996   Mstéra




Et Kalachnikov, le jeune marchand,
Entre sans trembler dans le vaste champ.
Son premier salut est pour le grand tsar,
Son second salut pour le blanc Kremlin.
Il salue aussi les saintes églises,
Et finalement le peuple chrétien.
On voit s'enflammer ses prunelles grises,
Luire étrangement son œil de milan.
Fixant l'opritchnik d'un regard brûlant,
Il enfile et tend ses gants de cuir raide,
Sans que nul second ne l'assiste ou l'aide;
Et l'effort durcit l'épaule musclée...
Il lisse avec soin sa barbe bouclée...

1837

M.Lermontov
" La chant du marchant Kalachnikov"



«..Du porche de cette maison sortait parfois un vieux monsieur, de haute taille, bien habillé, avec un gibus sur la tête et des gants de couleur verte aux mains. Nous autres, enfants, savions par nos parents que ce vieux monsieur avait tué Lermontov. Comme ce souvenir est précis, en moi, après quarante ans !... Nous éprouvions une curiosité craintive à l'égard du meurtrier de Lermontov, car Lermontov nous était bien connu et notre mère nous récitait souvent sa "Berceuse cosaque". Les grands racontaient qu'à chaque anniversaire de la mort du poète, Martynov s'enfermait chez lui et refusait de recevoir des visites. Ce récit renforçait encore l'attirance puérile et funèbre qu'exerçait sur nous le vieux monsieur aux gants verts...»

M.Vildé " Souvenirs"